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Un cap Horn et un record pour Armel

Il a fallu 47 jours et 32 minutes pour qu’Armel franchisse le mythique cap Horn. Le skipper de Banque Populaire pulvérise le record, établi par François Gabart lors du dernier Vendée Globe (52 jours 06 heures et 18 minutes), avec 5 jours, 5 heures et 38 minutes d’avance. Doubler le rocher est vécu comme une délivrance pour le marin qui ne cache pas que la traversée du grand sud n’a pas été de tout repos. Joint ce matin par son équipe, Armel nous partage son état d’esprit et sa joie de pouvoir passer cette légende aux avant-postes.

Comment vas-tu en ce jour un peu spécial ?

Ça va super, j’ai empanné ce matin, juste avant les îles Diego Ramirez, elles ne sont pas très loin. Le jour vient de se lever, il y a des nuages pour l’instant et j’espère avoir quelques éclaircies pour apercevoir le cap. Ici les nuits sont très courtes, on est très sud, elles durent en moyenne 4 à 5 heures. Je suis satisfait d’être arrivé là, de passer ce cap et de sortir des mers du Sud. J’ai pu décompresser les dernières 24 heures, j’ai eu des conditions plus malléables, moins de vent et une mer plus calme. C’est agréable, ça change et je prends du plaisir. J’ai rangé le bateau, fait du ménage et j’ai surtout relâché la pression, le stress après des journées chaotiques, compliquées avec du vent et beaucoup de manœuvres. C’était dur… Là, on a du vent mais pas 50 nœuds non plus et ça n’est pas plus mal pour passer le rocher ! Il y a quatre ans, je me souviens, je n’avais pas vu grand-chose, il y avait une ambiance particulière avec beaucoup d’icebergs dans la zone. Ca va être sympa de voir la terre, c’est un moment fort. Troisième cap Horn en IMOCA mais en tête cette fois, ça représente beaucoup pour moi, quand j’y pense, il a fallu en parcourir du chemin pour en arriver là…

Sur les précédentes éditions au passage du cap, tu étais 3e (2008), 2e (2012), c’est un beau cadeau de Noël cette première fois en tête ?

C’était mon objectif d’être le premier à prendre le virage à gauche pour la remontée de l’Atlantique sud, ça n’a pas été simple d’en arriver là mais ça en valait la peine, on arrive un peu en haut du sommet, même si, le parcours est encore long et que la dernière partie ne va pas être la plus simple à gérer. Je crois qu’il y a 4 ans, j’étais à peu près à deux heures d’écart de François Gabart. Aujourd’hui, d’avoir 5 jours d’avance sur ce temps de passage, c’est plutôt incroyable. J’ai un petit matelas d’avance sur les poursuivants, j’en profite ! Je me dis que ce qui est fait est fait, j’attends de savoir à quelle sauce je vais être mangé dans l’Atlantique sud.

Et le Mono est en bon état ?

Oui il est en bon état, il y a toujours quelques petites bricoles à régler, c’est normal mais dans l’ensemble, c’est plutôt positif, je touche du bois ! Mais tout ça, c’est aussi grâce au travail du team tout au long de la saison. Ce bateau qui est aux avant-postes avec un bon temps de passage, c’est vraiment grâce à eux.

Que retiens-tu des mers du Sud ?

Ça a été rythmé, un Indien tonique, un Pacifique compliqué, c’est le cas de le dire.
C’était assez engagé dans les mers du Sud mais, ça n’est pas une surprise.
Il y a quatre ans, cette traversée était plus simple, on n’avait pas eu de gros temps avec François (Gabart), nous étions passés au travers des grandes dépressions. Cette année, ça ressemble plus à ce que j’ai vécu il y a 8 ans, avec des conditions à peu près similaires, un Indien froid et humide. Content d’en avoir terminé avec cette partie du parcours en tout cas. Là, c’est toujours humide sur le pont, il y a un peu de mer, ça mouille et il ne fait pas très chaud.  Cette nuit, j’ai encore eu le droit à une belle averse, un mix entre de la grêle et de la neige mais d’ici quelques jours, on va enfin retrouver des températures plus clémentes, j’ai hâte.

Est-ce que tu arrives à prendre du temps pour bien manger et te reposer ?

Depuis hier, c’est un luxe d’avoir un bateau qui est stable pour dormir, c’est plus agréable, ça fait du bien. C’est même surprenant au début ! Hier, j’ai bien mangé, je profite, j’ai pu ranger, faire du tri et « faire un petit coup de propre sur soi ». Ça fait du bien d’aérer le bateau et le bonhomme (rires). Pas une douche complète mais je sors un peu de ce mode « guerrier » que nous avons depuis quelques semaines.

Comme tu le dis, tu as un bon « matelas d’avance » sur les poursuivants, tu t’attendais à ça il y a quelques jours ?

Franchement, je ne me suis jamais monté de scénario, sur cette course. De toute façon, je sais très bien que tout peut arriver et que la route est encore longue. Je fonctionne au jour le jour depuis le départ. Alors oui l’écart s’est creusé avec Alex (Thomson) depuis quelques jours, tant mieux mais je suis lucide, c’est encore loin d’être gagné. Il reste plus de 3 semaines de course. Si je ne me trompe pas, lors de la dernière édition, j’avais mis 27 jours pour remonter l’Atlantique. En 27 jours, il peut se passer tout et n’importe quoi…

Un petit mot sur ton Noël à bord ?

Je n’y pense pas, j’ai l’impression que c’est loin Noël pour moi.
Je sais que ça va être difficile comme à chaque fois d’être loin de ma femme et de mes enfants mais une étape après l’autre, là j’ai envie de savourer ce cap Horn… Je vais vous laisser, je vais faire le matossage, j’ai 800 kilos à basculer et je vais en profiter pour récupérer ma petite bouteille de champagne !

CLASSEMENT DE 15H :
1) Armel Le Cléac’h – BANQUE POPULAIRE à 7 010 milles de l’arrivée. 
2) Alex Thomson – HUGO BOSS à  787 milles du leader
3) Jérémie Beyou – MAITRE COQ à  1 613 milles du leader
4) Jean-Pierre Dick – ST MICHEL – VIRBAC à 2 126 milles du leader
5) Yann Eliès – QUEGUIGNIER – LEUCEMIE ESPOIR à 2 210 milles du leader

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