Les Antilles et la navigation

Début 1975, Bernard Haas, secrétaire général du syndicat des producteurs de sucre et de Rhum en Guadeloupe, et Florent de Kersauson, petit frère du navigateur Olivier (de Kersauson), cherchent une idée novatrice pour promouvoir en métropole le fameux « ti-punch » constitué de rhum blanc, de sucre de canne et de citron vert. Ils rêvent de lancer une grande course océanique quadriennale en solitaire sur une route historique, entre la Bretagne et les Antilles les années paires, en alternance avec la fameuse Transat Anglaise. La Route du Rhum est née, mais va désormais être organisée par Michel Etevenon, publicitaire, imprésario à l’Olympia et frère de l’actrice Micheline Dax. Avant le départ de la première édition en novembre 1978, deux Français sur trois sont incapables de situer la Guadeloupe (1 434 kilomètres carrés) sur un planisphère, et savent encore moins que leurs compatriotes sont avant tout de remarquables marins. Les touristes séduits par cette destination affluent, découvrant alors à environ 7000 kilomètres de la métropole des îles somptueuses et un peuple très attaché à ses racines maritimes et à la créolité.
Des marins avant tout
La magie de la Route du Rhum opère, même si beaucoup ne mesurent pas la difficulté de cette transat en solitaire partant des frimas de l’automne en Bretagne, pour arriver trois semaines plus tard sous les alizés, où la température de l’eau et de l’air avoisine voire dépasse les 27 degrés. Les « Gwadas » comme sont surnommés les habitants de la Guadeloupe, n’ont pas attendu que la Route du Rhum forge sa légende. Dans cet archipel sublime comptant cinq îles – Grande Terre et Basse Terre, Marie-Galante, La Désirade et Les Saintes -, on ne loue pas que des voiliers de croisière. Les insulaires naviguent beaucoup, et régatent aussi sur les traditionnels gommiers (de 5 à 7 mètres de longueur), taillés dans l’arbre éponyme, et qui jusque dans les années 50 ont été utilisés par les pêcheurs de langoustes, de dorades coryphènes, de poissons « chat » ou encore de chatrous ou lambis.
Aujourd’hui, les gommiers de pêche en Guadeloupe et les yoles en Martinique, ont été remplacés par des saintoises et des yoles en polyester propulsées par de puissants moteurs hors-bord. En course, le skipper du gommier qui barre, se nomme « le patron », et l’équipage de funambules maintient l’équilibre précaire de l’embarcation très toilée grâce à des « bwa dressés », grandes branches de bois. L’archipel des Saintes au Sud de la Guadeloupe, Ce lieu idyllique et son pain de sucre font partie des plus belles baies du monde. Les navigateurs de la Route du Rhum, savent que lorsqu’ils aperçoivent l’écrin sur leur tribord (droite) après avoir fait le tour de la Guadeloupe, aux abords de la pointe de la Grande Vigie, ils en ont quasiment terminé avec la traversée. Bientôt, il sera temps de déguster le fameux « ti-punch » !
Crédit photos : Théo Reynal/BPCE