Ce sont les jours où tout s’accélère. Derniers préparatifs, dernières interviews, derniers briefings météo… Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse commencent progressivement à « rentrer dans la course ». Les deux tenants du titre déroulent jusqu’au top départ la partition comme ils l’avaient prévu. Leurs mots disent tout de leur motivation à repousser leurs limites au fil des 6 200 milles (11 480 kms) à parcourir jusqu’en Martinique. Confidences avant le Jour J.
À quatre jours de la course, comment qualifiez-vous votre état d’esprit ?
Armel : Il est positif parce que nous sommes confiants au sujet de la préparation qu’on a pu suivre avec l’équipe depuis plusieurs semaines. Ça se poursuit ici au Havre où l’on continue de suivre le programme qu’on s’était fixé. Ce qui est sûr c’est que le bateau et les bonhommes sont prêts.
En quoi l’expérience que vous avez acquise au fil des années vous aide à gérer ces périodes d’avant-course ?
Sébastien : C’est plus facile parce qu’on arrive toujours à faire la part des choses, à faire preuve de détachement quand il le faut. Depuis l’arrivée du bateau au Havre, nous avons réussi à mettre de côté la préparation de la course afin de se focaliser sur notre préparation physique et la gestion du sommeil. Là, à 72 heures du départ, on commence à rentrer dans notre bulle, à nous projeter sur les conditions météo.
"Pas de gros coups de vent d’entrée de jeu"
À propos des conditions météo, le passage d’une tempête a engendré la fermeture du village ce jeudi. Mais heureusement, ce sera bien moins virulent ce dimanche…
Armel : Oui et c’est tant mieux, l’inverse aurait été plus problématique. Pour le départ, on aura un vent de Nord-Ouest, au près. Ce seront des conditions assez toniques pour assurer la sortie de Manche. En tout cas, il n’y aura pas de gros coups de vent d’entrée de jeu donc ça permet de se projeter de façon sereine.
Est-ce qu’on a une idée des conditions ensuite ?
Armel : Nous avons une vision pour le départ mais concernant le reste, c’est plus incertain, ça change tous les jours. Je pense qu’on aura plus de visibilité à partir de ce soir ou de vendredi. La situation est compliquée en Atlantique avec plusieurs dépressions qui circulent plus ou moins Nord. Ce n’est pas encore stable, ça peut vite changer… Nous avons des briefings météo tous les soirs à partir de ce soir avec Marcel Van Triest.
"C’est davantage un marathon qu’un sprint"
Est-ce qu’on se prépare déjà au fait qu’il n’y aura pas de routage pendant la course ?
Armel : Oui puisque j’ai un peu plus révisé mes gammes que d’habitude ! On a eu une formation de rappel à Port-La-Forêt sur les grands axes de la course. J’ai travaillé sur l’utilisation du logiciel de routage avec l’équipe informatique, peaufiné un peu plus l’analyse des cartes satellites qui sera déterminante au passage du pot-au-noir. En amont de la course, Marcel Van Triest va nous donner le début du fil de la course et ensuite, on va prendre le relais pour le dérouler jusqu’en Martinique.
Sébastien : En parallèle, on sait que cet aspect va changer légèrement l’organisation du bord. Avec un routeur, on est dédié à la marche et à la stabilité du bateau. Là, il va falloir libérer du temps à Armel afin qu’il puisse collecter ces informations et les traiter quatre fois par jour. Mais c’est un exercice qu’on a l’habitude de faire sur d’autres courses donc ce ne sera pas un obstacle. Ce qui compte, c’est de tout faire pour qu’Armel ne soit pas sous pression quand il fait ses analyses.
Comment vous situez-vous par rapport à la concurrence ?
Sébastien : Cette année, nous nous sommes imposés à deux reprises (Tour de Belle-île-en-Mer, Armen Race) et nous avons été battus à la Rolex Fastnet Race et aux 24 heures Ultim’ Banque Populaire. Ça nous montre surtout que le niveau de jeu est très élevé. Il n’empêche, c’étaient des formats de course très spécifiques. La Transat Café L’Or est plus longue, en double, avec de nombreux aléas en matière de météo, de technique. C’est davantage un marathon qu’un sprint et c’est plus représentatif du cahier des charges d’un Ultim’.
Armel : Chaque bateau peut l’emporter avec son expérience, ses points forts et ses points faibles. Ce qui fait notre spécificité, c’est qu’on repart ensemble. On est le seul duo renouvelé par rapport à la précédente édition dans cette catégorie et on a la chance d’être à bord d’un bateau qu’on connaît très bien. Nous nous préparons avec sérieux, à l’image des nouveaux foils et safrans qu’on a installés cette année. À nous d’utiliser le bateau à 100%, d’être à la hauteur des espérances de l’équipe. Désormais, tout est devenant nous et tout reste à écrire.
Le Team Banque Populaire en « vigilance rouge » face à la tempête
La tempête Benjamin a déferlé sur les côtes normandes dans la nuit de mercredi à jeudi. Afin d’y faire face, les organisateurs ont décidé de fermer l’accès au village au grand public ce jeudi. Du côté du Team, des mesures ont été prises dès mercredi afin de protéger le Maxi Banque Populaire XI. « Avec l’aide de l’organisation, nous avons retiré les aussières (qui servent à l’amarrage) qui étaient au vent pour soulager la pression sur le ponton et le quai, précise Erwan Steff, le directeur du Team. Ensuite, nous avons préparé le bateau en diminuant le fardage, en affalant le J3 et en sécurisant l’ensemble des voiles ». En parallèle, un système de quart a été mis en place afin que trois membres de l’équipe soient constamment à bord. « Nous avons relevé des rafales de 55 nœuds (101 km/h) pendant la nuit ! Le vent a continué à souffler tout au long de la journée. Nous restons en vigilance rouge », assure Erwan Steff. La présence des membres de l’équipe à bord s’est donc poursuivie. « Pendant la journée, nous restons tous sur le pont avec des semi-rigides qui sont prêts à intervenir ». Le directeur du Team tient à « saluer la direction de course et l’organisateur pour avoir anticipé tout problème éventuel ». La vigilance devrait se poursuivre jusqu’à vendredi matin.