Photo : Vincent Curutchet / BPCE

Transat Jacques Vabre – Armel Le Cléac’h : « Un début de course très intense »

Depuis le départ dimanche dernier, le Maxi Banque Populaire XI a traversé des grains à plus de 45 nœuds, un passage de front et une zone de vent très faible… Après une option audacieuse pour dépasser Madère dans la nuit, Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse ont pris la tête de la course ce jeudi matin. Les deux skippers nous racontent ce début de course de l’intérieur.

En l’espace de quatre jours, Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse ont déjà vécu une variété de conditions. Même s’ils ont pu, comme les autres Ultim, échapper à la tempête Ciaran qui s’est abattue sur le grand ouest dans la nuit de mercredi à jeudi, ils n’ont pas été épargnés depuis le départ du Havre ce dimanche. Il y a eu les conditions « très toniques et très fortes » dixit Armel en sortie de Manche avec des grains à 45 nœuds et une mer croisée. Puis un passage de front dans le golfe de Gascogne qui a « fait souffrir le bateau ».

À l’arrivée à la latitude de Madère depuis la veille, c’est le passage d’une dorsale qui fait se creuser les méninges. Le Maxi Banque Populaire XI a opté pour une route plus Ouest que ses rivaux « afin d’éviter la zone de dévent créée par l’île » explique Armel. L’Ultime bleu et blanc progresse désormais vers le Sud en attendant de bénéficier des alizées et de filer vers le Pot-au-noir. Il a pris la tête de la course en milieu de matinée mais les écarts sont infimes – 7,5 milles d’avance sur leurs premiers poursuivants au classement de 12 heures – et la bataille va redoubler d’intensité. Hier soir, Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse ont pris le temps d’analyser ce début de course et démontré, une nouvelle fois, leur détermination sans faille.

 

Le début de course

Armel : « C’était un début de course très intense comme on s’y attendait à terre avant le départ. On a eu des conditions très toniques, très fortes en sortie de Manche. En passant la pointe du Cotentin, il y a eu des grains à 45 nœuds et une mer très croisée. C’était humide, sportif et la vie à bord était délicate. Mais on s’en est plutôt bien sorti. Les 24 heures suivantes ont également été compliquées avec un passage de front, une dépression à traverser et une mer toujours mauvaise qui faisait souffrir le bateau. Une fois qu’on a réussi à s’en sortir, les conditions se sont nettement améliorées jusqu’à tomber dans du vent beaucoup plus faible. En l’espace de quelques heures, on est passé de conditions fortes à très calmes et clémentes. »

Sébastien : « Le départ et la sortie de la Manche resteront des moments forts. Il a fallu être opérationnel dès la sortie du port. On a navigué dans des conditions que l’on n’avait encore jamais rencontrées avec le bateau à 45 nœuds au près. Ce sont des moments où on est concentré et on compte sur l’expérience de chacun pour tenir. Sur le moment, on parle peu mais on sait que l’on vient de passer un cap dans l’utilisation du bateau. C’est toujours sympa de s’en rendre compte plus tard et de prendre le temps de le savourer. »

 

Le contournement de Madère

Armel : « Nous avons décidé de contourner Madère par le Nord pour éviter la zone de dévent créée par cette île qui est très haute. Ce n’était pas simple parce que ça rallongeait la route par le Nord et ça obligeait à pas mal de manœuvres. Derrière, on souhaitait se positionner dans l’Ouest afin d’avoir plus de pression et se positionner pour la suite de la course. Les derniers pointages nous donnent satisfaction même si le vent n’est pas forcément très fort. L’ anticyclone va se remettre en place et on aura une descente vers le Sud avec des alizés qui vont se renforcer dans les prochains jours. Normalement ça devrait se passer dans l’Ouest de la route pour avoir un meilleur angle et aller rapidement vers le Pot-au-noir au portant. Ça devrait être des conditions plus stables en matière de vent. »

 

La suite de la course

Sébastien : « C’est vrai que l’on a pris une option qui nous distingue de la concurrence en contournant Madère par le Nord. On s’est glissé sous l’ anticyclone avant de toucher à nouveau des vents médiums, au portant. Nous aurons un empannage dans moins de 24 heures pour entamer ensuite notre longue descente vers le Pot-au-noir. La suite, ce sera une course de vitesse au portant dans les alizés ! »

Armel : « On attend les derniers fichiers météo afin de travailler avec Marcel Van Triest – notre routeur – la suite de la stratégie. Rien n’est simple, on regarde aussi ce que fait la concurrence. Il reste beaucoup de chemin à parcourir et c’est important de bien se positionner pour le moyen, long terme. Là, on va avoir une longue route vers São Pedro et São Paulo. On a un peu moins de 2000 milles à faire pour y parvenir. »

 

L’aspect technique

Sébastien : « Après la sortie de Manche musclée, nous avons profité des accalmies afin de faire plusieurs tours du bateau. L’idée, c’était de vérifier un maximum d’éléments dont les appendices, les bâches aérodynamiques, l’ accastillage sur le pont… On essaie de voir s’il n’y a pas d’usure prématurée. Et c’est le cas, tout va bien techniquement, ce qui est un bon signe pour la suite de la course ».

 

La vie à bord

Sébastien : « Ce n’est pas une cohabitation, c’est une colocation (rires). Tout se passe vraiment bien entre nous. On fait attention l’un à l’autre, on se connaît assez pour rallonger le quart de l’autre quand il faut en fonction des efforts fournis. Nous avons notre routine, nos petites attentions. C’est très « pro », très carré et surtout très fluide entre nous. »

 

Le regard sur les concurrents

Armel : « En matière de concurrence, il n’y a pas beaucoup de surprises. On se retrouve depuis le départ avec deux concurrents (SVR-Lazartigue et Edmond de Rothschild) avec qui on a déjà bataillé ces dernières semaines à Lorient et aux 24H Ultim Grand Ouest Banque Populaire. Nous sommes très proches en matière de potentiel. La preuve, c’est qu’on se retrouve presque bord à bord souvent. Les bateaux sont performants, les équipages les maîtrisent bien donc ça promet pour la suite. Derrière, Sodebo et Actual ne sont pas très loin. Ils ont eu un début de course différent mais ils ont actuellement des conditions plus favorables. On les surveille aussi ! »

 

Le reste de la flotte

Armel : « Nous sommes dans une situation exceptionnelle avec l’enchaînement de dépressions qui bloquent les bateaux au Havre (IMOCA) et à Lorient (Ocean Fifty et Class40) encore pour quelques jours. L’état de la mer est particulièrement impraticable. C’est tout l’enjeu des courses, concilier les enjeux sportifs et la problématique de la sécurité. La meilleure décision a été prise par la direction de course. De notre côté, nous avons pu passer en avant de certains phénomènes mais ça s’est joué à pas grand-chose. Nous sommes conscients de la chance que l’on a et on pense aux autres qui sont dans l’attente d’un nouveau départ.

 

Crédit photo : BPCE / Vincent Curutchet

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